Le recrutement est-il en panne ? 3 raisons de repenser notre approche du recrutement interne.
- Clarisse LIEVRE
- Feb 3
- 4 min read

J’ai récemment assisté à un événement de networking à Toronto, où 90 % des participants étaient activement à la recherche d’un emploi. La plupart d’entre eux cherchaient des opportunités dans le secteur des technologies depuis plus de six mois. Pour diversifier leurs stratégies de recherche, ils ont décidé de participer à des événements comme celui-ci, dans l’espoir d’entrer en contact avec des employeurs potentiels en personne.
En discutant avec eux, je me suis aperçue de ceci :
1. Les équipes de recrutement interne sont débordées
Les équipes de recrutement et les responsables du recrutement sont submergés par un volume massif de candidatures, souvent des centaines par annonce. Dans ce flot, il devient difficile pour les meilleurs candidats de se démarquer. Beaucoup des chercheurs d’emploi présents à l’événement ont partagé leur frustration : leurs candidatures sont trop souvent noyées parmi tant d’autres, sans même obtenir de retour.
Sans technologies de sélection avancées ni processus optimisés, les recruteurs ont peu de chances d’identifier les talents les plus pertinents au milieu d’un grand nombre de candidatures non qualifiées. Ce décalage ne se contente pas de démoraliser les candidats : il fait aussi courir aux entreprises le risque de passer à côté de talents exceptionnels.
2. A la quête du « candidat idéal »
De nombreux employeurs s’efforcent de trouver des candidats qui remplissent toutes les conditions d’une description de poste, pensant ainsi garantir leur succès. Pourtant, cette approche prudente peut aussi les freiner.
J’ai repensé à ma propre carrière : on m’a donné ma chance comme consultante en recrutement, alors que mon profil ne correspondait pas parfaitement. Issue d’un milieu commercial, j’ai été recrutée par Thomas Thor, qui a vu en moi du potentiel, notamment ma résilience et ma capacité à résoudre des problèmes de manière logique. Cet acte de foi a porté ses fruits : j’ai prospéré dans ce rôle pendant dix ans.
Ce soir-là, j’ai encouragé plusieurs chercheurs d’emploi à postuler, même s’ils ne correspondaient pas à 100 % aux critères. Pourtant, leurs réponses étaient pleines de doutes. Et ils n’avaient pas tort : aujourd’hui, les employeurs semblent plus frileux que jamais à l’idée de miser sur des profils « extérieurs ».
Mais cela soulève des questions essentielles :
Est-ce vraiment le profil outsider qui est le plus difficile à former et à intégrer ?
Ou bien les entreprises sont-elles devenues trop rigides dans leurs méthodes, freinant leur propre capacité d’adaptation ?
Et si le véritable problème était un manque d’inclusion et une approche trop faible de la rétention, rendant l’intégration difficile pour tout nouveau venu, quel que soit son parcours ?
3. Le décalage entre les RH/recrutement interne et les managers
J’en ai été témoin à maintes reprises tout au long de ma carrière dans le recrutement : la relation entre les équipes RH/recrutement interne et les managers est souvent tendue, voire complètement rompue.
Du point de vue des RH et des équipes de recrutement interne :
Les managers manquent souvent de formation pour sélectionner les bons candidats et réagissent lentement, ce qui entraîne la perte de talents en raison de retards ou d’un manque de retour d’information.
Les besoins évoluent constamment, les rôles sont annulés, les décisions sont repoussées, ce qui crée une expérience frustrante pour les candidats et démotive les équipes d’acquisition de talents.
Les managers accordent parfois trop d’importance aux compétences techniques, au détriment du potentiel d’apprentissage des candidats. Ils hésitent à prendre des risques sur des profils non conventionnels, ce qui ralentit encore le processus et accentue les tensions.
Du point de vue des managers :
Débordés, ils jonglent entre leurs responsabilités quotidiennes et la pression constante de leur hiérarchie. Beaucoup ressentent leur rôle comme une accumulation de contraintes, plus que comme une fonction gratifiante.
Ils ont rarement le temps – ou l’énergie – de formaliser clairement leurs besoins en recrutement ou de s’impliquer pleinement avec les équipes RH.
Ce manque de communication génère des malentendus et des attentes mal alignées, entraînant un cycle de frustrations et de reproches où chacun tourne en rond.
Résultat : ils finissent soit par ne pas embaucher du tout, soit par faire de mauvais choix de recrutement…
Les nouveaux arrivants, eux, souffrent d’un processus de recrutement et d’intégration mal structuré. Trop souvent, ils se retrouvent pris entre des équipes RH et des managers qui se rejettent mutuellement la faute lorsque quelque chose tourne mal.
Et maintenant ?
J’aimerais croire que des solutions existent pour améliorer l’expérience de chacun. Ai-je toutes les réponses ? Non. Mais parfois, il faut que quelque chose se brise avant de pouvoir être reconstruit, réparé et amélioré.
Cela me fait penser à l’art japonais du Kintsugi, cette pratique où l’on répare des poteries cassées avec de l’or. Les fissures deviennent une partie intégrante de l’histoire de l’objet, ajoutant à sa beauté plutôt que de la diminuer.
C’est peut-être ce dont le processus de recrutement a besoin : une volonté de reconnaître les fissures, d’en tirer des leçons et de bâtir quelque chose de plus solide et précieux.